‘’So’’ expose jusqu’au 19 octobre 2023 au Walls House of Art à Abidjan, Marcory Zone 4. ‘’Aura’’ l’exposition qui s’y tient, a ouvert ses portes le 15 septembre dernier en présence de la ministre de la Culture et de la Francophonie, Françoise Remarck. ‘’Aura’’ est une orientation vers la lumière à partir des voies bien distinctes.
Anoblir la matière
« L’art c’est l’artiste… L’artiste, c’est Dieu », disait Pierre Leroux. Et comme Dieu, So (Sophie Leuthe), peintre et sculpteure, insuffle la vie dans la matière morte. Une matière de récupération (de bas aura) pour la faire évoluer, l’élever, l’anoblir et la faire aboutir à la lumière. La verticalité du lien qu’elle crée à travers ses matériaux, capte tout de suite, lorsqu’on passe le seuil de la galerie. Ses créations occupent le rez-de-chaussée.
‘’So’’ travaille avec des chaînes de machines, rendues raides sur un socle, debout. Ces amas de fer traduisent le monde moderne, le monde matériel par excellence, la matière dans ce qu’elle a de moins généreux. Et lorsque qu’on observe les sommets, on a soit de la lumière (ampoules), soit des êtres en méditation (faits de fils de fer), soit un œil (en fil de fer). « J’utilise ces chaînes comme les colonnes vertébrales de mes œuvres. L’idée est d’élever cette matière. C’est une matière de basse vibration. Et le fait de la transformer en être de lumière, ça nous montre que dans la vie on part du plus bas, de l’énergie la plus basse vers la plus élevée », explique l’artiste.
Les veilleurs et l’Eveilleur
A travers le jeu de mots « Les veilleurs et l’Eveilleur », la créatrice fait une sorte d’hiérarchisation de « ses êtres de lumière ». A travers une toile, la seule de ses créations (qui sont des sculptures), elle synthétise cette idée : les veilleurs sont des êtres de lumière qu’on rencontre sur notre chemin. Des êtres qui seront soit des anges, soit des guides ou même des mortels croisés au coin de la rue. Des êtres qui ont la possibilité d’apporter un changement dans la vie.
Selon elle, tous ces êtres, en retour, sont reliés à l’Eveilleur. Le plus grand, l’énergie suprême. Il est symbolisé par le regard de là-haut. C’est-à-dire, un œil surmonté sur les structures métalliques. « Ce regard, c’est aussi le regard que nous portons sur nous-mêmes, nos actions, notre quotidien, pour garder notre énergie propre », note ‘’So’’.
L’exposition surfe sur la spiritualité. Et le bouddhisme, cette voie spirituelle qui encourage à œuvrer pour son propre bonheur, y tient une place de choix. Les êtres de lumières de So, représentés avec du fil de fer, comme lorsque les enfants jouent en fabriquant des objets, ont des postures de prière. Les mudra, surtout les positions des mains crèvent les yeux.
So a grandi dans une famille athée. Elle révèle avoir découvert la spiritualité en Côte d’Ivoire, le jour où elle est devenue maman. « Le jour où on m’a mis mon enfant dans mes bras, ce jour-là, j’ai eu une connexion avec là-haut. C’est une des raisons qui me maintient en Côte d’Ivoire depuis 28 ans et je ne pars pas. J’ai trouvé ma voie ici, surtout ma voie spirituelle ».
La voie retrouvée
Les démarches artistiques de So sont intrinsèquement liées aux différentes étapes de sa vie. Elle a créé, plus ou moins, en fonction des périodes qu’elle traversait. Bien qu’ayant fait des études artistiques, elle s’est muée en mère responsable, qui n’avait d’yeux que pour sa famille, ses enfants. Ainsi, elle s’était obligée à être dans un moule.
L’artiste a expérimenté plusieurs voies. Elle a travaillé les symboles « Adingra » des peuples Akan. Elle a représenté « les dictons africains », qu’elle adore, en graphisme. Elle a aussi scruté l’univers des masques africains à travers des digressions. « J’ai fait des expos qui ont bien marché, mais je n’ai pas trouvé ce que je cherchais », confie-t-elle.
Depuis trois ans, après avoir surmonté plusieurs épreuves, elle s’est dit : c’est maintenant. « Ce qui sort actuellement, j’ai attendu ce moment toute ma vie. Je le prends comme une grâce incroyable. Je ne peux plus m’arrêter. J’ai beaucoup sacrifié, j’ai rempli ma mission », explique la sculpteure avec un pouvoir de petit dieu. « J’invente des êtres, des anges. La liberté est dans la lumière », clame-t-elle.
« Aura » est une exposition à voir. Elle sort des sentiers battus des toiles colorées accrochées sur les cimaises. Elle est abordée comme une recherche, une introspection. On parcoure la galerie en aspirant à un éclaircissement. On est accompagné d’êtres de lumières (humain ou ange) qui nous guident vers le « Boss ».
A l’étage supérieur, « Aura » nous livre les rayons lumineux de Keze Art, artiste béninois. On en parlera dans un prochain article.
SANOU A.