Chœurs d’Ivoire est un recueil (livre et CD) de musiques de variétés ivoiriennes, transcrites et arrangées pour voix mixtes. Cette œuvre, regroupant onze titres, a été réalisée à l’initiative de Boffouo Pierre Kouamé, entre autres, chef de chœurs et musicien, notamment dans le groupe Yakomin. Présentation d’un recueil de nostalgie mais aussi d’hommages à des monuments de la musique ivoirienne…
Les férus de nostalgie devraient adorer «Chœurs d’Ivoire». Ce recueil, constitué d’un livre et d’un CD, propose le meilleur de la variété ivoirienne chanté en chœur et avec cœur. Chacun des onze titres a été transcrit et arrangé pour voix mixtes, à différentes années, par Boffouo Pierre Kouamé, initiateur de ce projet (sauf «You ono» par Robin Melchior), en attente de sortie dans les bacs, comme on dit.
Le premier titre, et non des moindres -les nostalgiques et mélomanes ivoiriens et autres pourraient s’en douter-, est «Le travail de mille générations» (le titre original est «L’appel au travail») d’Ahoulou Paul Assemien (1933-2019). Ce choix pour une tête de playlist n’est pas anodin puisque, d’une part, la chanson date de 1959, et, de l’autre, elle est un hymne au patriotisme et à une prise de conscience des responsabilités citoyennes. Il faudrait ne pas être ivoirien ou ne pas être né en Côte d’Ivoire pour ne pas connaître cette chanson. Alors pour ceux qui comme moi ne sont ni ivoiriens ni nés en Côte d’Ivoire, voilà ce que disent quelques paroles : «Le travail de mille générations construira ma Côte d’ivoire. Elle paraîtra devant les nations dans tout l’éclat de sa gloire» .
Des trésors pour toutes les oreilles
Le second titre qui a été choisi est «Moussio Moussio» (1962) de l’album éponyme de Pierre Amédée (1937-2011), dont le véritable nom est Nahounou Digbeu Amédée. Je ne m’aventurerais pas à traduire les paroles bété de cette chanson, mais à ce que j’ai compris, au premier degré, une douleur suite à la perte d’un enfant. En fait, je ne comprends pas bété, j’ai juste cherché sur le net pour avoir une traduction : «Il brûle ! Il brûle ! Mon trésor s’est consumé ! On a mis le feu au tronc d’arbre qui renfermait notre richesse. On a tué ma fille, ma richesse potentielle (…) Je m’adresse aux fumistes et aux sorciers. Je m’adresse à ceux qui ont tué mon enfant (…)».
Avançons dans le temps et arrivons en 1977 avec la chanson «Assouna», tiré de l’album «Le roi du ziglibithy» ou «Ziboté» d’Ernesto Djédjé (1947-1983). Pour les novices comme moi, le ziglibithy est une danse et un style musical révolutionnaire qui a su remettre la musique ivoirienne au goût du jour en Côte d’Ivoire en alliant avec harmonie musiques extérieures et musique classique ivoirienne. Et pour confirmer cela, je me suis permise de piquer les parole du professeur Yacouba Konaté, qui ne m’en voudra pas : «Mieux que toute théorie de l’authenticité, mieux que tout discours préconisant le retour aux sources, le ziglibithy donne un sens et une forme à la volonté des Africains qui veulent se nourrir de la sève de leurs racines. C’est une action, une recréation qui fonde une esthétique nouvelle sur le socle culturel et historique de la société ivoirienne».
Pour la petite anecdote, Ernesto Djédjé a appris à jouer de la guitare, adolescent, dans l’«Ivoiro-star» de Pierre Amédée.
Le titre suivant date de 1978. Il s’agit d’«Anouanzè» (l’entente) que Thérèse Allah (1935-2020) a interprété à l’issue du concours «Côte d’Ivoire la belle». Elle est l’une des deux seules femmes artistes dont «Chœurs d’Ivoire» reprend un titre. «Anouanzè» laisse la place à «Exode rural» (1978) de Wedji Ped (Paul Wedji), qui avait chanté Thérèse Allah, et lead vocal du groupe «Les djinn’s music». Même si l’on ne comprend pas les paroles, rien que le titre nous donne le thème de la chanson…
Vers la «modernité»
En route pour l’année 1979 avec le slow «Taxi sougnon» de Bailly Spinto. Ce morceau a rencontré le succès, et a été classé numéro un des hit-parades en Côte d’Ivoire et en Afrique et a mis son auteur compositeur au-devant de la scène musicale.
Deuxième artiste femme présente sur l’album à travers une chanson : Aïcha Koné avec «Adouma» (1982) ; un morceau qui a touché les cœurs lors de sa sortie, et bien après aussi.
Le morceau qui représente l’année 1983 est mondialement connu puisqu’il s’agit de «Brigadier Sabari» d’Alpha Blondy. Pas la peine de présenter ce dernier ni le tube qui a lancé sa carrière. Par contre, il est intéressant d’écrire qu’avec ce titre c’est totalement un autre style qui s’impose. Et l’on attend de voir ou plutôt d’entendre ce que cela va donner avec des chœurs, comme pour les morceaux suivants. «Brigadier Sabari» semble être une charnière entre les titres précédents et suivants, montrant aussi qu’il y a une évolution importante de la musique (générique) ivoirienne, voire presque une cassure nette.
En effet, après le reggae arrive le zouglou, même si certains disent que ce style a été inspiré par Pierre Amédée, qui en serait, d’une certaine manière, le précurseur. Donc le zouglou arrive avec le neuvième titre de «Chœurs d’Ivoire», à savoir «Kappa» (1991) de Paul Toussaint Dallet, alias Poignon, alias Dallet Youess.
Après 1991 vient 1992. Ce n’est pas une lapalissade, juste pour écrire que les morceaux présentés dans «Chœurs d’Ivoire» suivent un ordre chronologique, comme un lien pour avancer dans l’histoire musicale de la Côte d’Ivoire. Donc, 1992 avec du reggae mêlant des sonorités africaines et «Djidji Nandjui» de Ramses de Kimon.
Le recueil se termine à l’année 1999 avec «You ono» de John Yalley, le roi du zêzê-pop.
Zouhour Harbaoui
Un commentaire
On a hâte qu’il soit disponible ❤️