Villes vivantes, Villes de résilience et Villes de mémoires. Trois compartiments, une multitude de regards portée par 22 artistes à la Rotonde des arts contemporains au Plateau, autour du thème principal « L’art dans la cité ». Le vernissage de l’exposition conçue et montée par la Fondation Dapper (Aude Leveau Mac Elhone), a eu lieu ce 25 janvier 2023. Françoise Remarck, ministre ivoirien de la Culture et de la Francophonie a honoré de sa présence pour « soutenir » les artistes venus de Côte d’Ivoire : Armand Boua, Désiré Mounou, Aristide Kouamé, Pascal Konan et François Xavier Gbré.
« C’est un acte de collaboration nord sud et sud nord, que nous l’espérons, en appellera quelques autres », a souhaité Pr Yacouba Konaté, directeur de la Rotonde. Pour lui, cette exposition est comme « une illustration stimulante de la nécessité de signaler l’Afrique comme une scène vivante et plurielle de l’art contemporain ». Le Caire, Lagos et Kinshasa sont des agglomérations africaines de plus de 20 millions d’habitants. Et ce dynamisme urbain concerne toutes les capitales. « Cette dynamique de révision de certitudes pourrait-elle épargner les arts, en général, et les arts visuels en particulier ? La réponse est NON », constate Yacouba Konaté.
Le travail des artistes qui ont utilisé des palettes multiformes allie peinture, photographies, vidéos, installations et performances. Cependant, le premier article que nous écrivons sur l’expo, est dédié au travail photographique. Olalekan Jeyifous (série Shanty Megastructures ; 2015 ; photomontage), Pamela Tulizo (série Enfer paradisiaque), John Wessels (série sur l’inondation à Dakar en 2022) transportent et téléportent le visiteur dans des dimensions qui passent du réel, à la fiction en côtoyant le fantasmagorique avec les possibilités qu’offre le numérique.
L’artiste nigérian Olalekan Jeyifous est celui qui utilise le plus les merveilles qu’offrent les logiciels de retouche de photos, d’architecture et de design dans ses créations. Ses images sont des juxtapositions d’habitats précaires, des bidonvilles sur des structures modernes. Une sorte de renversement de situation pour mettre en avant ceux qu’on a l’habitude de reléguer dans des taudis. Mettre aux yeux du monde ce qu’on souhaite cacher le plus au monde. Ses images sont fortement contrastées appuyées par une légère saturation. Les couleurs sont bien ressorties et ne reflètent pas de « misérabilisme ». Mieux, l’on est bluffé par sa créativité.
Quant à Pamela Tulizo, elle surfe entre la mode et la photographie. Ses modèles, avec des tailles accentuées par des contres plongés, triomphent au centre de ses clichés. Elles sont des vecteurs de messages à travers leur posture et leurs étoffes « Enfer paradisiaque ». La lauréate 2020 du prix Christian Dior de la photo et des arts visuels pour jeunes talents fait dialoguer le drame et l’espoir, la femme marginalisée et la femme forte tout en jetant un regard sur la précarité des femmes de sa région (Goma), certes, mais aussi sur l’humanité toute entière avec la Covid 19 qui a tout remis en cause. Ampoules, charbons, épis de maïs qu’elle accroche sur ses robes sonnent comme des sirènes qui nous rappellent notre faiblesse.
Enfin, John Wessels, de l’Agence française de presse (AFP) Dakar, a travaillé sur l’inondation dans cette ville en 2022. Les clichés sont d’un réaliste déconcertant. Ils posent de nombreuses questions, donnent les réponses et situent sur ce qui se passera (rien). Les populations victimes de la montée des eaux s’y sont vite accommodées. Elles vaquent à leurs occupations, comme si ce qui arrive était prévisible. Pouvait-il en être autrement lorsque qu’aucun travail de viabilisation n’a été effectué avant ou après l’installation populations ? Wessels rappelle juste que tout cet urbanisme ne tient qu’à un fil.
Sanou A.