Roger Yapi présente ses dernières créations comme une catharsis. Adoptant la conception « aristotélisienne » du terme, il opte pour la purgation de laquelle nait « un nouvel horizon », celui du relèvement. « Résilience », la désignation de son exposition qui a ouvert ses portes le 7 octobre à la galerie Houkami Guyzagn à la Riviera 2, est la matérialisation de la force, qu’il souhaite insuffler à chacun, en chacun afin de ne jamais se laisser abattre, quel que soit le problème, la difficulté. « La vie ne nous laisse pas le choix par moment. Dans la vie, il y a toujours des problèmes, des difficultés. Ce qui nous amène à ne pas avancer. ‘’Résilience’’, c’est d’emmener nos frères et sœurs à toujours se relever. Même courber, il faut faire l’effort de se relever », encourage-t-il.

Pour s’inscrire définitivement dans cette nouvelle donne, le peintre qui enregistre plus d’une vingtaine d’années de carrière, a opté pour la rupture. Son travail sur la tradition qui lui a permis de tisser un lien avec les valeurs culturelles africaines, « le cordon ombilical qui liait le fœtus à la mère », son travail sur l’exploitation, l’esclavage des enfants et des adultes, sa vision de la « positivité », ces sujets qui l’ont forgé sont certes son passé, mais sont passés.
« A un moment, j’ai décidé de faire une rupture avec l’ancienne écriture. La nouvelle est venue toute seule. Auparavant j’attachais des cordes, je sculptais en semi-figuratif et je peignais directement sur les sculptures. La nouvelle écriture est basée sur la toile, qui constitue le principal support alors qu’avant c’était le bois. La nouvelle matière qui entre dans la création est l’encre textile, l’encre de sérigraphie. Je fais des abattements, des superpositions de teintes, de couleurs pour donner des effets. Je fais de la gravure à l’intérieur de la toile », explique-t-il.
Son approche des couleurs a aussi connu des changements. Les toiles (en majorité) ont une couleur dominante : souvent le jaune, le blanc, le violet ou même le noir. « Je parle de paix, de pureté. A un certain moment, il ne faut pas rester dans le noir, dans les problèmes, dans le découragement. Quel que soit le problème, c’est de chercher à en sortir. C’est cette capacité à se relever qui se traduit par le passage de l’obscur au clair ».

Chaque pièce exposée est unique, chaque toile ou sculpture est différente. Deux types de toiles se dégagent par contre : celles qui sont dominées par une forme semi-figurative et celles exclusivement abstraites.
Les premiers types de toiles ont deux caractéristiques : le changement des couleurs est brusque, sans gradation. « Souvent, il faut être violent dans le changement, rapide. Car si on ne tranche pas vite, on reste », insiste-t-il. Et les grandes formes semi-figuratives qui s’y trouvent contiennent des mini formes, du gribouillage, des écriteaux, des symboles, des signes et parfois même des messages bien lisibles. « Mariam joue à la balle… Non, non, non… j’ai des droits… L-a La ; L-i Li… ». Toutefois, l’artiste demande au visiteur un temps d’observation, de contemplation pour déceler ces messages d’espoir.
Les toiles exclusivement abstraites de Roger Yapi paraissent des déconstructions de ses toiles figuratives. Des étirements horizontaux mais aussi en spirale des représentations, des modelages qui les déforment et créent un mélange harmonieux de couleurs avec, toujours, une teinte dominante. Dans cette nouvelle structuration, il est très facile (avec les spirales) de retrouver des tourbillons qui symbolisent aussi bien le côté « vain de la vie », mais et surtout l’espoir à cette même vie.

Yapi Roger est sculpteur. Dans sa logique de changement, il est passé du bois à la résine, le plus souvent avec des œuvres fixées sur des socles en fer. Le résultat est chatoyant. Et l’excellent travail du commissaire d’exposition fait passer le regard d’une toile à une sculpture et à une autre toile (deux toiles, une sculpture), avec le même atermoiement.
« Résilience » est ouverte au public du lundi au samedi de 9h à 19H. Elle y restera jusqu’au 30 octobre. Si vous avez la flemme d’y aller, méditer cette phrase du commissaire de l’exposition Mimi Errol : « Résilience de Yapi Roger nous donne l’occasion d’être optimiste ».
Sanou A.
Phs: Koné Seydou