Installée dans la capitale politique ivoirienne Yamoussoukro, Kara Aïcha est une peintre autodidacte. La seule femme qui tient tête aux hommes dans le milieu de la peinture dans cette localité était présente à la 3e édition du Salon des grandes cimaises d’Abidjan (SGCA), en cours, à la villa des hôtes, SOPI, jusqu’au 10 juillet. Celle qui a fait de la solidarité son cheval de batail se veut aussi témoin de son temps, des réalités vécues par les populations, loin des discours politiques et politiciens. Son engagement est aussi celui de la jeune fille non-scolarisée qui prend la parole à travers son art.
Apprendre auprès du maître
Aïcha peint au couteau (couteau à palette) et au pinceau. Pour maîtriser cette technique, elle s’est plié en quatre, depuis 1997, pour apprendre auprès du Maître, feu Mlan Akéssé Jean-Claude, avant de s’installer à son propre compte en 2011. A Yamoussoukro, elle est aimée de tous. Pourtant, celle qui rencontre des difficultés pour s’exprimer en français s’est frayé un boulevard relationnel grâce à son art.
« Je suis bien dans ma peau quand je peins. Déjà, ce n’est pas donné à beaucoup de femmes et c’est un rêve qui se réalise pour moi. Grâce à Dieu, j’arrive à m’exprimer à travers mon art puisque j’ai des difficultés à m’exprimer en français. Et la peinture me permet de me sentir bien dans ma peau », déclare-t-elle.
C’est généralement la nuit que l’inspiration lui vient. Une scène quotidienne, une photo, un beau temps, lui permettent de faire des croquis et après, d’y apposer la peinture.
Mais c’est son environnement immédiat qui l’inspire. La toile devant laquelle elle est photographiée traite du planning familial et de la solidarité.

« J’évoque le planning familial et la solidarité. L’homme souhaite avoir de nombreux enfants. Certains sont très petits et la maman est encore enceinte. Pour le père, ces petits enfants peuvent aider leur mère alors que ce n’est pas possible. D’où le thème de la solidarité. Les voisins sont sollicités chaque fois qu’il y a un souci. Ici la femme doit accoucher et le père appelle les voisins à l’aide. Malgré les dérives des uns et des autres, quand on est solidaire, on a la force, même quand on est pauvre », explique-t-elle.
Le travail de la jeune peintre varie en fonction des thèmes traités, l’usage des couleurs aussi. « Ici j’utilise le marron et le noir parce la femme souffre. Mais il y a de l’espoir qui débouchera sur la gaieté avec la naissance du bébé qui se traduit par le vert », situe-t-elle.
Kara Aïcha procède aussi par jets. A travers cette technique, elle interpelle. « Tout ce qu’on dit, il faut faire attention. Qu’on dise de bonnes paroles autour de nous, contrôler notre langage ».
Dans la perspective, Aïcha souhaite laisser « une histoire » à la postérité. Celle de la fille non-scolarisée qui a su s’imposer par son art, son abnégation, sa force de caractère. Elle souhaite faire de la transmission de connaissance pour qu’à l’image de son maître, les plus jeunes puissent s’en inspirer et ne pas faire de la non scolarisation un frein à leur réussite. « J’ai été aidé par un monsieur et je veux aussi aider des enfants », rêve-t-elle.
Par Sanou A.