Tourné sur plusieurs années, «White cube», le nouveau documentaire de l’artiste néerlandais Renzo Martens, met en opposition mais aussi en apposition la Culture -dans le sens agronomique du terme- et l’Art.
Par Zouhour HARBAOUI
Dans le documentaire «White cube» (78′), l’on peut entendre, en anglais, l’artiste néerlandais Renzo Martens déclarer : «Je suis Renzo Martens… Je suis un artiste… Et j’ai profité de l’inégalité et de la pauvreté toute ma vie. J’essaie de savoir si l’art peut néanmoins être authentique et réel. S’il peut traiter le monde tel qu’il est». Car l’artiste s’est attaché à mettre en avant l’apport de l’Art aux travailleurs des plantations de palmiers à huile dont est extraite l’huile de palme. Il a décidé de montrer comment la classe des travailleurs peut bénéficier de l’art au lieu d’être »victimisée » par lui.
Il est vrai qu’au premier abord l’on pourrait penser qu’il s’agit d’un documentaire sur les plantations en République Démocratique du Congo. Mais le ton est donné, d’emblée, par le titre : «White cube», cube blanc en français. Ce terme désigne, pour la muséologie, «un type d’espace d’exposition qui a la forme d’une grande enceinte aux murs blancs, généralement refermée sur elle-même par l’absence de fenêtres». D’ailleurs, Renzo Martens a décidé de construire un «white cube» au milieu des plantations ; un point blanc se détachant de la nature verdoyante ; un espace artistique, à Lusanga, un petit village de plantation au Congo, à environ 5 heures de route de Kinshasa, dédié à l’art et à la réflexion, qui permet aux habitants de créer des sculptures, avec la boue des rivières. Ces sculptures sont scannées «à Lusanga et le scan est ensuite envoyé à Amsterdam où ils sont reproduits dans le cacao». Certaines œuvres en boue sont mis en vente en Occident, et les bénéfices ont permis aux habitants de racheter leurs terres confisquées par les colons et les multinationales.
Ce cube blanc est aussi un clin d’œil mise à l’index du géant multinational hollandais et britannique Unilever, entreprise qui gère ces plantations, et, paradoxalement, sponsorise des activités artistiques, comme les expositions. Activités, qui, au final, sont subventionnées par le dur labeur des travailleurs des plantations.
Le documentaire est construit en deux parties : la tentative de l’artiste pour sensibiliser, théoriquement, les «forçats» de l’huile de palme à s’intéresser à l’art, et son engagement dans des mesures plus pratiques, comme encourager les populations locales à donner libre cours à leurs compétences artistiques. Ceci va amener la naissance du collectif d’artistes Cercle d’art des travailleurs de plantation congolaise (CATPC) et va, même, permettre à un sculpteur congolais de voir ses œuvres exposées à New York en 2017.
«White cube» est un documentaire qui montre que l’art n’est pas accessible qu’à certaines personnes et qu’il est moyen de financement.