La commune d’Anyama est une banlieue de la ville d’Abidjan. Cette localité est devenue populaire grâce à l’activité économique très dense et sa proximité avec la commune d’Abobo (plus d’un million d’habitants). Anyama est depuis trois ans, le siège du peintre Soro Péhouet, Grand prix Guy Nairay 2007, qui y organise les ateliers Péhouet. Un programme de formation artistique qui se tient tous les jeudis et qui s’ouvre aussi bien à la peinture, à la sculpture, la musique, la décoration, le design…
Tous les 3 janvier, avec une débauche d’énergie construite sur fonds propre, le maître et ses élèves offrent une journée récréative au cours de laquelle il est présenté au grand public le fruit des labeurs des participants à l’atelier. Pour l’acte 3, il a été dévoilé ‘’Le Scienceur’’, une sculpture monumentale de 3m non fixée, de plus de 100 kilos réalisée avec de la résine. Elle a été exécutée durant deux années, soit 104 semaines. Tous les participants à l’atelier ont pris part à sa réalisation.
D’OKOHI à Scienceur
« Il s’est agi de faire sortir de nos tripes un rêve. Un rêve d’artiste, de communauté et de civilisation du bonheur. De ‘’OKOHI’’ (On est ensemble), on arrive à ‘’Scienceur’’. C’est pour dire simplement si on est ensemble, on doit ‘’Sciencer’’. ‘’Sciencer’’, c’est réfléchir, c’est cogito, penser à un développement, à une nouvelle vie, à une nouvelle forme de conception du monde. On est dans l’argot ivoirien. On est dans nos termes pour qu’on sente les choses comme chez nous. Pour nous, c’est un art qu’on a appelé l’art communautaire car c’est fait pour la communauté avec des jeunes de la communauté. C’est une œuvre commune », explique Soro Péhouet.
Pour lui, « on lève les yeux, on regarde le ciel et on se rend compte que le monde est beau de possibilité, qu’il est riche de savoir. Si on est assis sur un rocher, c’est qu’on est assis sur un parterre de connaissances ».
Toutefois, l’on ne saurait voir la sculpture ‘’Le Scienceur’’ sans avoir à l’idée Dante, « Le Penseur » de Rodin. La posture, la position des mains, le socle… « Nous sommes allés sur la même posture, le physique. La sculpture de Rodin a la tête baissée, il est affligé. Nous avons relevé la tête du Scienceur pour redonner l’espoir. On a pensé à la version africaine. C’est donc un personnage africain, l’anatomie le démontre suffisamment. Il a le sourire, le visage radieux pour démontrer que si on lève les yeux, on verra que le ciel est immense. Les yeux dans le ciel démontrent que tout est possible », soutient le peintre.
Scienceur, pas Penseur
Au-delà de ces points, d’autres différences sont à noter. Le Penseur de Rodin a une taille de 1m 80 tandis que Le Scienceur fait 3m. L’œuvre des Ateliers Péhouet comporte sur le siège des pensées du peintre et d’artistes ou écrivains. On peut lire entre autres « Par l’art, l’impossible devient possible » (Soro Péhouet) ; « Tout ce qui est imaginé est toujours réel » (Pablo Picasso) ; « Tant qu’un peintre aura envie de voir le monde par ses yeux, il y aura la peinture » (François B.)…
La 3e édition des Ateliers Péhouet était placée sous le signe de l’éclosion. La mise en lumière d’un travail de fond pour montrer au monde que des jeunes ont pu se joindre à l’artiste pour essayer de donner un rêve à des gens de milieu défavorisé, de vendre une vision, partager ce en quoi ils croient. « L’art pour moi, c’est un partage. Partager avec la communauté un savoir et une vision du monde. Si chacun fait bien ce qu’il a à faire pour le pays, les choses vont réellement bouger. C’est notre message au travers de cette œuvre et inciter tous les jeunes à se mettre à l’exercice de la cogitation pour trouver des solutions à leurs problèmes », ressasse l’initiateur des ateliers.
Après trois éditions, les ateliers souhaitent élargir son champ d’expression à d’autres communes d’Abidjan voire des villes de l’intérieur du pays. « On se bat, on espère sortir pour faire profiter à tout le monde », se convainc Soro Péhouet.
Sanou A.