« Tey, Aujourd’hui », d’Alain Gomis a abordé le sujet majestueusement. Ce qui lui a valu un Etalon d’or de Yennenga en 2013. Le sujet de la mort évidente à une date précise, prédite par un mage, est l’un des thèmes forts abordés par le cinéma africain.
Le réalisateur Amjad Abu Alala (Soudan) a donc bâti son long métrage ‘’You will die at twenty’’ autour de cette forte croyance aux Saints, oints de mission divine qui ne sauraient se tromper dans leur prédiction.
Le Saint a toujours raison. Pour la société, celui contre qui il fait sa prédiction, est maudit à jamais. Mouzamil, enfant né au moment où un disciple du Cheick s’est effondré en comptant jusqu’à vingt, est condamné à mourir à vingt ans.
Le poids est trop lourd pour le père. Il s’en va. La mère qui élève seul son fils est résignée. Elle n’attend que le jour du retour à Dieu de Mouzamil.
Dans une chambre de la concession familiale, elle compte les jours. Dans le noir, le réalisateur laisse une lumière entrée par une fenêtre. Mais pour elle, il n’y a aucun espoir.
Le cinéaste joue avec le blanc, traduisant l’espoir et le noir annonçant la désolation prochaine. «Je rends hommage à mon fils qui est mort en portant le blanc. Et toi, tu rends hommage à ton fils vivant en portant du noir », laisse entendre un dialogue.
Petit, Mouzamil est surnommé le « Fils de la mort ». Et quoi de plus normal que « L’enveloppé » (La sourate 73 du Coran Muzammil), ne se consacre qu’à invoquer Dieu.
Il est inscrit à l’école islamique du village et mémorise le livre saint avec en conscience ces versets : « Ô toi qui t’enveloppes dans ton manteau ! Lève-toi pour prier la plus grande partie de la nuit, ou seulement la moitié, ou un peu moins, ou un peu plus, et pour réciter avec soin le Coran, car Nous allons bientôt te transmettre des paroles d’une exceptionnelle gravité ! ».
Et pourtant, le jeune homme avait plus grave à vivre. ‘’You will die at twenty’’ avec force et une simplicité dans la narration, dénonce le meurtre silencieux des personnes « damnées » par des pseudos représentants de Dieu sur terre.
Quant à la société, très nocive, chacun s’embarque dans ces croyances en laissant resurgir le venin qui sommeille en lui. Dépité, Mouzamil, lui-même, participe à son propre assassinat en refoulant, Naïma, la seule fille qu’il a toujours aimé.
Le long métrage est aussi un long voyage de découverte dans la province d’Aljazira (Du Nil), ce fleuve qui mène au Caire et en Europe. La végétation, l’architecture des maisons, l’organisation sociale, transparaissent. Et la course effrénée que Mouzamil entame au lendemain de ses 20 ans de vie -car finalement il ne meurt pas- traduit l’enfermement dans lequel il a passé plus de la moitié de sa jeunesse.
Pour une découverte du cinéma soudanais, j’ai été agréablement surpris. Le jeu des acteurs, même des enfants, est impeccable. La qualité du son et des images est bonne. Et l’histoire embarque jusqu’au bout.
Sanou A.