Pour Koné Namakoro, chef de canton Nafana, Koné Zélé dit Zélé de Papara (du nom du village situé à 24 Km de Tengrela) était capable, « par ses louanges, d’emmener même les plus paresseux à se surpasser en fouettant leur orgueil ».
Et pourtant, derrière les éloges et les galvanisations, à travers le ‘’Bariè’’ (causerie en Sénoufo), chant traditionnel qu’elle pratiquait, la chanteuse née en 1934 à Koulousson, son village d’origine, n’avait pas bénéficié de l’affection des siens.
Rejetée par la société
En pays Sénoufo, le prénom Zélé se donne à la cinquième fille. Par contre, Zélé de Papara n’aura pas bénéficié de cette grande famille à cause de la pression sociale. Même sa famille proche l’a rejetée car accusée à tort.
En effet, un grand malheur l’avait suivi toute sa vie. Maman de onze enfants durant son premier mariage, aucun parmi eux n’avait dépassé l’âge de trois ans.
Ce qui fait d’elle une sorcière, une femme de malheur, une femme maudite, etc. dans le cercle familial. Condamnée à quitter ce foyer, elle est confrontée au même problème lors de son second mariage.
Toutefois, au lieu de céder au désespoir à cause des railleries, Zélé s’investit davantage dans ce qu’elle savait faire le mieux : chanter. Ses chansons en langue Sénoufo conquièrent très vite toute la région du Nord de la Côte d’Ivoire.
En 1965, date de son éclosion en tant que chanteuse, elle est désignée chanteuse principale de « Bariè » à Papara. Sa réputation dépasse très vite les frontières de son village, de sa région et même de la Côte d’Ivoire.
Une vie désintéressée
Elle est révélée au grand public en août 1987 avec sa participation au premier Festival national des masques et danses traditionnelles à Yamoussoukro. Ses chansons diffusées sur la radio nationale l’imposent dans tout le pays.
Les plus grandes scènes nationales l’accueillent. Malheureusement, elle ne sortira aucun album. La chansonnière pratiquait la musique pour son plaisir et n’attendait de rien de cela. Avec son petit tambour à la hanche, car elle était percussionniste, son chapeau de chasseur, sa tenue en bande noir et blanc de pagne traditionnel, Zélé a donné une autre dimension au ‘’Bariè’’.
Très modeste, la cantatrice n’attend aucune retombée financière de son art. Elle continue de vivre dans sa petite case en banco couverte de paille à Papara. Malheureusement le 17 août 1994, les murs de sa maisonnée fragilisés par la pluie diluvienne s’écroulent sur elle, pendant qu’elle dormait. La chanteuse ne survit pas au drame et est inhumée la même nuit comme le veut la tradition sénoufo.
23 ans après son décès, des héritages du ‘’Bariè’’ existent encore. Et toutes les chanteuses qui excellent dans cet art sont surnommées Zélé de Papara en reconnaissance à la cantatrice.
Si, Bruno Koné, alors ministre de la Poste et des Technologies de l’information et de la communication, en 2014, s’était engagé à dégager les moyens nécessaires pour numériser et sauvegarder ses œuvres, force est de reconnaître que les choses n’ont pas évolué plus que la promesse.
Et depuis, ses parents attendent encore cette reconnaissance nationale qui permettra de transmettre les exploits de cette grande chanteuse aux générations futurs.
Sanou A.